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Libération
Edito

Pour Macron, une rentrée explosive en trompe-l’œil

par Jonathan Bouchet-Petersen
publié le 21 août 2019 à 20h16

Passés son menu pizza à 27 euros et ce récent «bain de foule» varois où il a appelé le pays à se «réconcilier», la rentrée d'Emmanuel Macron se fait ces jours-ci sur la scène internationale. Quoiqu'à domicile. La rentrée nationale, elle, s'annonce tout aussi chargée. Car derrière les récents «bons» chiffres du chômage - qui masquent une augmentation du nombre des inactifs - et la difficile poursuite du mouvement des gilets jaunes, se cache une réalité plus explosive.

«Je ne crois pas du tout que ce qui, à un moment, crée la colère sincère d'une partie de la population, soit derrière nous», a affirmé Macron au début de ses vacances, visiblement conscient que ce que l'été a dégonflé, la rentrée peut fort bien le rallumer. Et si le storytelling de l'acte II fait la part belle à l'écoute sans renier «l'ambition» des réformes, rien n'indique en effet que les raisons de la colère se soient envolées.

Guérilla

La réforme des retraites sera le gros morceau des prochains mois. Alors que les grandes lignes en ont été présentées sans rassurer avant l'été, le gouvernement semble mesurer la sensibilité du dossier. Après avoir écarté les mesures d'économies de court terme, l'exécutif a confirmé ce mercredi qu'une nouvelle grande phase de concertation allait s'ouvrir autour du rapport Delevoye. Remontés, les syndicats vont être de nouveau reçus, tandis que des dates de manifestations sont déjà prévues. Mais s'il semble mettre les formes, le gouvernement doit faire face à un écueil de taille : la perspective de devoir travailler plus longtemps pour une pension à taux plein a davantage marqué les esprits que les possibles effets positifs d'un passage à un système par points. Dans le Var, Macron n'a-t-il pas affirmé : «Je vais pas vous dire "on va travailler jusqu'à 62 ans" toute l'éternité, ce ne serait pas vrai ! Le système actuel ne peut pas durer.»

Autre sujet sensible, mais sur lequel la majorité bénéficie d’un net soutien des Français : la PMA pour toutes, mesure phare du projet de loi sur la bioéthique qui doit être examiné à l’Assemblée à partir du 24 septembre. Les quelques députés LR qui fantasment un match retour de la Manif pour tous tentent ces jours-ci de faire monter la sauce autour du remboursement par la Sécu de la PMA pour toutes. Mais au sommet du LR post-Wauquiez, où un nouveau patron sortira des urnes en octobre, on n’a pas pour priorité de se lancer dans cette guérilla perdue d’avance et en décalage avec une large part de l’opinion. Macron, qui a semblé repousser encore et encore la concrétisation de cette promesse de campagne, pourrait faire face à une opposition pas si mobilisée.

Boucler le prochain budget pourrait à l’inverse se révéler plus ardu que prévu. Après les 17 milliards d’euros de baisses d’impôts et d’aides post-crise des gilets jaunes sur 2019 et 2020, il faudra trouver 3 milliards d’euros. Trois milliards d’économies ? L’affaire risque de devenir d’autant plus sensible que - sujet ô combien symbolique - l’efficacité du remplacement de l’ISF par l’IFI semble mise en cause. Cet impôt sur la fortune immobilière rapporte en effet à l’Etat nettement moins que l’ISF sans qu’il soit pour l’instant démontré, bien au contraire, que cela ait été un facteur de ruissellement vers le financement des PME. Les premières conclusions du comité d’évaluation de cette réforme, attendues fin septembre, seront regardées de près.

Chasuble

Autre «cadeau» aux plus riches pointé notamment par Guillaume Duval d'Alternatives économiques : la «flat tax», taxe à taux unique de 30% sur les revenus du capital. Certes elle a rapporté plus que prévu. Mais elle aurait conduit certains, patrons de PME et cadres, à privilégier les dividendes aux salaires soumis à un impôt sur le revenu plus élevé. Avec à la clé, un manque à gagner pour les finances publiques. Bercy doit aussi composer avec des suppressions de niches fiscales qui ont rapporté beaucoup moins que prévu et avec l'enterrement, par Macron lui-même, de sa volonté de réduire massivement le nombre de fonctionnaires.

La colère durable des agriculteurs, vent debout après la signature du Ceta et ayant souffert cet été d'une sécheresse sévère, est aussi surveillée de près. Tout comme le foyer des urgences hospitalières, où les grèves se poursuivent depuis cinq mois. La prime mensuelle de 100 euros net accordée au début de l'été par le gouvernement n'a rien réglé et Agnès Buzyn doit faire de nouvelles annonces «dès la rentrée».

Si la fin 2019 risque d’être agitée, les municipales de 2020 pèseront aussi sur les décisions au sommet de l’Etat. Premières élections locales pour le parti présidentiel, elles sont un enjeu majeur d’implantation pour LREM. Or si nombre de maires de droite et certains de gauche ont (ou vont) toper avec LREM pour garder leur siège, sans pour autant chaque fois endosser la chasuble de marcheur, ça patine dans nombre de grandes villes. A Lyon, le cas Collomb n’est pas réglé ; à Paris, la sauce Griveaux ne prend pas ; à Bordeaux, le Modem fait défaut à la majorité ; à Marseille, rien n’est clair au-delà du clap de fin de Gaudin. Un remaniement pourrait en outre s’imposer en amont de la campagne si les ambitions municipales de certains ministres se confirment. Le manque de poids lourds pour les remplacer risque d’être de nouveau criant.

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